Vision commune, volonté commune : Ensemble choisissons le futur de notre monde
DĂ©claration de la CommunautĂ© internationale bahĂĄâĂe Ă la ConfĂ©rence des Nations unies pour le changement climatique de Paris (COP21).
Paris, le 23 novembre 2015
Le changement climatique provoquĂ© par lâactivitĂ© humaine n'est pas inĂ©vitable. LâhumanitĂ© fait le choix de ses relations avec la nature. C'est lĂ le cĆur de la ConfĂ©rence sur le climat de Paris (COP21) dont les efforts, de diverses façons, sont centrĂ©s sur lâidentification des moyens par lesquels de meilleurs choix peuvent ĂȘtre faits. Lâordre mondial actuel a souvent considĂ©rĂ© la nature comme un rĂ©servoir de ressources matĂ©rielles Ă exploiter. Les graves consĂ©quences de ce paradigme sont devenues trop Ă©videntes aujourdâhui et il est clair que des relations plus Ă©quilibrĂ©es entre les peuples du monde et la planĂšte sont nĂ©cessaires. La question posĂ©e aujourdâhui est la suivante : comment de nouveaux schĂ©mas dâaction et dâinteraction peuvent-ils ĂȘtre le mieux mis en place, aussi bien individuellement que collectivement, au travers de choix personnels, de systĂšmes sociaux et d'institutions publiques?
Lâadoption de lâAgenda des Nations unies pour un DĂ©veloppement durable 2030, avec ses dimensions sociales, Ă©conomiques et environnementales, a accru la dynamique d'un changement profond. Pour la premiĂšre fois, il semble possible dâarriver Ă un accord universel et juridiquement contraignant sur les Ă©missions de carbone. NĂ©anmoins, la durabilitĂ© se dĂ©finit autant par des facteurs humains et sociaux quâĂ©cologiques. Par exemple, une corrĂ©lation a Ă©tĂ© Ă©tablie entrelâinĂ©galitĂ© sociale et la dĂ©gradation environnementale, suggĂ©rant que les relations tissĂ©es entre les ĂȘtres humains entre eux ont un impact direct sur les ressources physiques de la planĂšte. Les systĂšmes mondiaux qui ont laissĂ© beaucoup de gens face Ă la pauvretĂ© ou dans le besoin ont Ă©galement appauvri lâenvironnement naturel.
Une approche plus Ă©quilibrĂ©e des problĂšmes de lâenvironnement devra donc prendre en compte les conditions humaines aussi sĂ©rieusement que les conditions naturelles. Celleâci devra sâincarner dans des normes sociales et des modes d'actions caractĂ©risĂ©s par la justice et lâĂ©quitĂ©. Sur cette fondation peut sâĂ©laborer une vision Ă©volutive de notre futur commun. Et cette vision, Ă son tour, deviendra un puissant mĂ©canisme pour mobiliser les actions autour du monde et coordonner les nombreux efforts en des lignes dâactions qui se renforcent mutuellement.
Les fondations dâune nouvelle conscience
Mettre lâhumanitĂ© sur la voie dâun futur plus durable implique des transformations dans les attitudes et les actions. Il est crucial de rĂ©former les structures institutionnelles, ce qui sera dâailleurs au centre des rĂ©unions de la COP21. Mais au final, ce sont les gens, quels que soient leur rĂŽle et leur place dans la sociĂ©tĂ©, qui mettent en pratique les politiques dĂ©cidĂ©es par une administration centrale ou qui les ignorent, qui participent Ă des programmes bien conçus ou qui continuent Ă vivre comme avant. Chacun de nous a des moyens d'agir et aucune de nos dĂ©cisions nâest sans consĂ©quence. Ătablir des schĂ©mas durables de vie collective et individuelle exigera non seulement de nouvelles technologies mais aussi une nouvelle conscience chez les ĂȘtres humains, y compris une nouvelle conception de nousâmĂȘmes et de notre place dans le monde.
DâoĂč viendra cette conscience? Et oĂč trouver la volontĂ© et lâautodiscipline nĂ©cessaires pour lâincarner dans les innombrables villes et villages du monde? Des qualitĂ©s telles que la capacitĂ© Ă se sacrifier pour le bien-ĂȘtre de tous, Ă faire confiance et Ă ĂȘtre digne de confiance, Ă ĂȘtre satisfait, Ă donner librement et gĂ©nĂ©reusement aux autres, ne dĂ©coulent pas d'un simple pragmatisme ou de lâopportunisme politique. Elles proviennent plutĂŽt des sources les plus profondes de lâinspiration et de la motivation humaine dont la foi a dĂ©montrĂ© qu'elle Ă©tait un Ă©lĂ©ment clĂ©, tant dans lâefficacitĂ© des efforts de durabilitĂ© que dans les capacitĂ©s de lâespĂšce humaine.
Il faut noter ici le rĂŽle que la foi religieuse doit jouer. La religion s'est montrĂ©e une caractĂ©ristique de la civilisation humaine qui depuis lâaube de lâhistoire a incitĂ© dâinnombrables multitudes Ă se lever pour travailler au bien-ĂȘtre dâautrui. La religion offre une comprĂ©hension de lâexistence et du dĂ©veloppement humains qui Ă©lĂšve le regard, du chemin rocailleux vers lâhorizon lointain. Et dans la mesure oĂč elle reste fidĂšle Ă l'esprit de ses fondateurs transcendants, la religion a Ă©tĂ© parmi les forces les plus puissantes pour crĂ©er de nouveaux et bienfaisants schĂ©mas de vie collective et individuelle.
La religion offre ainsi une source vitale dâengagement dans de nouveaux modes de vie quotidienne qui pourront se rĂ©vĂ©ler ĂȘtre des dĂ©fis. Il faut remarquer que les dirigeants religieux et les organisations religieuses sont de plus en plus actifs sur les questions de justice et dâenvironnement en relation avec le changement climatique. Mais la conviction religieuse ne se traduit pas automatiquement en service pour le bien commun. Il est tout Ă fait possible, par exemple, de rencontrer une congrĂ©gation dâadhĂ©rents bien intentionnĂ©s dont les actions contribuent trĂšs peu Ă lâamĂ©lioration de la sociĂ©tĂ©. Il est clair quâil y a beaucoup Ă apprendre sur la façon dont de nobles idĂ©aux sâexpriment en actions dĂ©vouĂ©es et durables. En ce sens, les communautĂ©s religieuses peuvent ĂȘtre vues comme des communautĂ©s de mise en pratique au sein desquelles des enseignements spirituels sont traduits dans la rĂ©alitĂ© sociale. En leur sein, un processus de renforcement des capacitĂ©s qui permet aux gens de toutes origines de participer Ă la transformation de la sociĂ©tĂ© peut ĂȘtre mis en route. DĂ©couvrir comment cela peut se dĂ©ployer selon diffĂ©rents contextes et diffĂ©rentes cultures promet dâĂȘtre un riche domaine dâexploration pour tous ceux qui travaillent sur les questions de durabilitĂ©.
Identifier les principes spirituels qui sont Ă lâorigine des dĂ©fis Ă©cologiques peut aussi ĂȘtre une clĂ© pour formuler des actions efficaces. Que lâhumanitĂ© ne constitue quâun seul peuple, ou que la justice exige la participation de tous dans le travail de dĂ©veloppement durable sont, par exemple, des principes qui reflĂštent la riche complexitĂ© de la nature humaine. Ils participent, ce qui est tout aussi important, Ă encourager la volontĂ© et le dĂ©sir nĂ©cessaires pour faciliter lâapplication de mesures pragmatiques. Identifier les principes sous-jacents Ă un problĂšme donnĂ© et dĂ©finir une action Ă la lumiĂšre de ses exigences est ainsi une mĂ©thodologie dont tout le monde peut bĂ©nĂ©ficier et auquel tout le monde peut contribuer : ceux qui ont un rĂŽle religieux traditionnel, les gouvernants, le secteur des entreprises, la sociĂ©tĂ© civile et tous ceux impliquĂ©s dans lâĂ©laboration dâune politique publique.
La base dâune action collective
Les initiatives sur les questions de durabilitĂ© trouvent souvent leur origine dans le sentiment que nous vivons tous sur la mĂȘme planĂšte. Bien entendu, il nâest pas question dâignorer les inquiĂ©tudes partagĂ©es telles que les problĂšmes de changement climatique, de migration transnationale et de pandĂ©mies, mais une transformation rĂ©elle des modes de vie individuels et collectifs exige une comprĂ©hension bien plus profonde de l'interdĂ©pendance de la biosphĂšre planĂ©taire. Les peuples et lâenvironnement sont les Ă©lĂ©ments interconnectĂ©s dâun systĂšme organiquement intĂ©grĂ©. Ă ce moment de lâhistoire, aucun des deux ne peut ĂȘtre compris sans lâautre.
De ceci dĂ©coule l'idĂ©e mĂȘme de l'unitĂ© organique de lâespĂšce humaine. Le concept de lâhumanitĂ© constituant un seul peuple, aussi simple en apparence quâil puisse paraĂźtre dans le langage courant, a de nombreuses implications dans lâĂ©laboration dâactions efficaces Ă tous les niveaux. La COP21, par exemple, peut ĂȘtre vue comme lâoccasion d'apprĂ©hender plus profondĂ©ment les implications pratiques de lâunitĂ© de lâhumanitĂ©, notamment lâobligation de traduire la responsabilitĂ© morale que nous avons, les uns envers les autres et envers la nature, en accords concrets, en dĂ©marches et en plans dâaction.
Une conscience toujours plus riche et profonde de lâunitĂ© du genre humain est la seule maniĂšre de surmonter les obstacles inhĂ©rents aux dichotomies riches/pauvres, Nord/Sud, dĂ©veloppĂ©s/en dĂ©veloppement. DĂ©signer les choses ainsi n'est pas sans fondement puisque certains pays ont effectivement plus de ressources financiĂšres que dâautres, mais alors que ces rĂ©alitĂ©s ne peuvent ĂȘtre ignorĂ©es, elles ne devraient pas pour autant paralyser une action constructive. Au contraire, elles devraient ĂȘtre incorporĂ©es Ă la vision quâun monde intĂ©grĂ©, prospĂšre et durable ne sera pas bĂąti par «nous» travaillant avec «eux», mais par nous tous travaillant pour le compte de tout le monde.
Ce principe d'unitĂ© de lâhumanitĂ© Ă©claire les profondes relations qui existent entre Ă©lever le bien-ĂȘtre des peuples et inverser la courbe de la dĂ©gradation environnementale. Il est vrai que l'empreinte Ă©cologique de certaines rĂ©gions dĂ©passe de loin celle de certaines autres. Câest une rĂ©alitĂ© qui devra ĂȘtre traitĂ©e Ă la fois par un choix volontaire et par une rĂ©gulation gouvernementale. Mais tout aussi importante sera la tĂąche qui consiste Ă sortir des milliards dâĂȘtres humains de la pauvretĂ© par des moyens qui non seulement rĂ©duiront les dommages causĂ©s Ă lâenvironnement mais lâamĂ©lioreront rapidement. Satisfaire aux besoins sociaux dans le contexte des besoins environnementaux rĂ©pond aux impĂ©ratifs moraux urgents du changement climatique. Mais le bien-fondĂ© de ce principe est Ă©galement extrĂȘmement pragmatique dans la mesure oĂč le changement climatique exige des actions urgentes et que les bĂ©nĂ©fices tirĂ©s de ces actions seront dâautant plus importants quâelles seront prises plus tĂŽt.
Les efforts de cette nature Ă©tablissent aussi la base sur laquelle les peuples et la planĂšte pourront ĂȘtre valorisĂ©s aussi explicitement que le profit lâa Ă©tĂ©. L'idĂ©e selon laquelle la poursuite exclusive des gains financiers conduit trop souvent Ă la destruction des systĂšmes naturels et des vies humaines est largement acceptĂ©e aujourd'hui. Cet hĂ©ritage rend profondĂ©ment ambivalent le rĂŽle que les entreprises et le monde financier devraient jouer dans les efforts de durabilitĂ©. Aussi complexes et difficiles Ă rĂ©soudre que ces questions puissent ĂȘtre, il semble impĂ©ratif que des efforts sincĂšres soient mondialement intĂ©grĂ©s dans un effort juste qui Ă©vite toute forme dâexclusion, source dâopposition, dâhostilitĂ©, dâagressivitĂ© et de mĂ©fiance.
Refondre les relations pour une planĂšte durable
Le principe de lâunitĂ© de lâhumanitĂ© a des implications Ă tous les niveaux de relations. Le libre arbitre et l'action gouvernementale sont souvent subtilement opposĂ©s, comme si l'un ou l'autre dĂ©tenait ou mĂ©ritait une prĂ©fĂ©rence. En rĂ©alitĂ©, bien sĂ»r, les deux sont nĂ©cessaires. Tout accord ou protocole au niveau gouvernemental sera insuffisant si les individus nâadoptent pas des styles de vie et des comportements plus durables. De la mĂȘme façon, les seules actions individuelles â Ă©conomiser lâeau et rĂ©duire les dĂ©chets par exemple â seront insuffisantes si le gouvernement ne fait pas les changements nĂ©cessaires au niveau structurel. Tout aussi importante est la communautĂ© qui, en tant quâunitĂ© distincte de civilisation, avec ses qualitĂ©s et capacitĂ©s propres, a un rĂŽle unique et vital qui ne peut ĂȘtre ignorĂ©. Une intĂ©gration croissante entre ces trois niveaux sera nĂ©cessaire si lâon veut rĂ©aliser des progrĂšs sur le long terme.
Ă quoi cela peut-il ressembler en pratique ? Les habitudes de consommation peuvent servir dâillustration. Prenons des gens convaincus de lâintĂ©rĂȘt du recyclage, par exemple, mais qui vivent dans des quartiers sans centres de recyclage ou de compostage. Sans le soutien du gouvernement, les possibilitĂ©s dâun changement individuel sont alors trĂšs rĂ©duites. L'action institutionnelle pour crĂ©er un environnement propice est nĂ©cessaire. Le gouvernement a un rĂŽle vital Ă jouer dans lâĂ©laboration des politiques, des lois et des rĂšglements qui seront nĂ©cessaires pour soutenir les actions et les comportements dĂ©sirĂ©s.
Mais ce cadre ne fait que planter le dĂ©cor. Car au final, ce sont les individus qui prennent lâinitiative dâadopter de nouvelles maniĂšres dâagir ou continuent Ă vivre comme dâhabitude. Le comportement humain et la prise de dĂ©cision personnelle sont donc fondamentaux pour la rĂ©ussite des efforts de durabilitĂ©, particuliĂšrement dans le domaine des valeurs, de lâĂ©thique et de la morale. Ces qualitĂ©s peuvent sembler floues ou quelque peu "molles" mais les changements de style de vie ne dureront pas si ce qui dirige notre comportement, câest-Ă -dire nos attitudes et nos croyances, ne change pas aussi. Les habitudes de consommation ne changeront pas si le fait de possĂ©der et lâaccumulation constante de biens de luxe continuent Ă ĂȘtre considĂ©rĂ©s comme de puissants symboles de succĂšs et dâimportance sociale. Ălaborer des maniĂšres de vivre plus durables exigera donc un dialogue continu sur la nature humaine et les conditions sine qua non du bien-ĂȘtre.
Comment faire naĂźtre ce dialogue ? Le gouvernement peut y contribuer par des actions Ă©ducatives et par des efforts pour que les parties prenantes sâengagent. Mais la communautĂ© a un rĂŽle vital Ă jouer en rendant possible le dialogue sur les choix et les comportements. Les politiques municipales ou rĂ©gionales pour la conservation de lâeau sont-elles considĂ©rĂ©es comme un progrĂšs ou comme un tracas inutile ? Les dĂ©cisions collectives concernant les infrastructures sont-elles enrichies par une vision commune du futur ou bien les individus ne sâoccupent-ils principalement que dâeux-mĂȘmes ? Les qualitĂ©s d'une culture qui donne corps Ă de telles questions apparaissent dans le contexte de la communautĂ©. La communautĂ© peut offrir le cadre dans lequel participants, origines, talents et efforts divers se combinent pour rĂ©aliser changements et progrĂšs. Elle offre aussi un espace important au sein duquel la population peut arriver Ă un consensus sur des objectifs et des buts communs et construire une vision partagĂ©e du futur. La liste qui sâallonge de ces villes qui prennent des dĂ©cisions bien plus fortes que leurs gouvernements sur des questions climatiques nâest quâun exemple du pouvoir inhĂ©rent Ă une communautĂ© capable de poursuivre un but commun grĂące Ă des efforts coordonnĂ©s.
Explorer de nouvelles formes dâinteraction entre les diffĂ©rents acteurs de la sociĂ©tĂ©, tels quâindividus et institutions, sera au centre de la tĂąche qui consiste Ă construire des relations plus durables avec la nature et entre les diffĂ©rentes parties de la famille mondiale. Ce travail de rĂ©ponse au dĂ©fi du changement climatique mondial tourne, en derniĂšre analyse, autour dâun but : que les humains vivent bien, ce qui est le but que les peuples et les cultures du monde entier cherchent Ă atteindre. Câest lĂ que peut ĂȘtre trouvĂ© le puissant point dâunitĂ© pour soutenir le travail Ă venir. Nous sommes confiants dans le fait que les efforts des participants Ă la COP21 contribueront Ă la construction d'une solide fondation sur laquelle le bien-ĂȘtre et la prospĂ©ritĂ© de lâhumanitĂ© pourront ĂȘtre poursuivis toujours plus efficacement pour cette gĂ©nĂ©ration et les gĂ©nĂ©rations futures.
Source de la traduction:
http://www.bahai.fr/wp-content/uploads/2015/03/2015-1125-BIC-Cop21-VisiâŠ
L'original en anglais:
https://www.bic.org/statements/shared-vision-shared-volition-choosing-oâŠ
Last updated 2 décembre 2015