Déclarations de la Communauté Internationale Bahá'íe
UNE PERSPECTIVE BAHÁ'ÍE SUR LA NATURE ET L'ENVIRONNEMENT
Préparé suite à la création du
Reseau sur la Conservation et la Religion
du Fonds mondial de la Nature (WWF)
septembre 1986
Communauté internationale bahá'íe
Bureau d'information publique<
La conception bahá'íe du monde
Une civilisation en perpétuel progrès
L'attitude bahá'íe vis-à-vis de la nature
Stratégie mondiale pour la préservation de la nature
Introduction
Le monde d'aujourd'hui est confronté à beaucoup de crises - sociales, politiques, économiques, écologiques - toutes entremêlées et chacune symptomatique des maux spirituels sous-jacents qui affligent l'humanité. Une crise qui est moins évidente, mais tout aussi menaçante pour l'avenir de l'homme, est la crise de la conservation de la nature. Les régions naturelles qui recouvraient autrefois la planète subissent une érosion constante sous les pressions d'une population croissante. Les riches aussi bien que les pauvres contribuent au problème: les riches par leur course effrénée vers le développement économique, et la masse des pauvres par leurs efforts désespérés pour obtenir une maigre pitance avec des ressources qui sont de plus en plus rares.
Bien que l'humanité souhaite fermer les yeux sur la situation, il est de plus en plus évident que la survie de la race dépend de l'équilibre des systèmes naturels de la biosphère. Il est aussi devenu très clair et alarmant qu'au rythme actuel de destruction, la plupart de l'héritage naturel de la terre pourrait être perdue irrémédiablement dans les prochaines décennies.
Les forêts sont défrichées, les terres fertiles disparaissent, les déserts s'étendent, la pêche est en déclin ou s'effondre et la pollution se répand. En conséquence, les espèces sauvages qui représentent la plupart des ressources génétiques de la planète, ressources qui se sont accumulées pendant des millions d'années, sont de plus en plus nombreuses à être menacées d'extinction. Aussi longtemps qu'il restera des parcelles importantes de régions naturelles pour héberger de telles espèces, il y aura toujours l'espoir qu'une société plus sage et plus stable pourrait maintenir et même restituer la richesse naturelle de la planète. Ce sont justement ces derniers fragments d'écosystèemes naturels qui sont menacés dans beaucoup d'endroits. Quand ils disparaîtront, beaucoup d'espèces et de ressources potentielles seront perdues à tout jamais.
Ce sont les signes d'une civilisation hors de contrôle qui se dirige vers l'auto-destruction.
Les enseignements bahá'ís situent ce problème et d'autres problèmes graves qui guettent le monde d'aujourd'hui dans une large perspective qui à la fois explique leur origine et propose des solutions pratiques. Le progrès technologique a confronté les peuples et les institutions des Etats avec la réalité d'un monde physiquement uni, mais leurs comportements et valeurs doivent encore s'adapter à ce changement fondamental. Pour les bahá'ís, donc, le problème est essentiellement spirituel: tous les peuples doivent arriver à l'acceptation de l'unité de la race humaine comme "la première condition sine qua non de la réorganisation et de l'administration du monde considéré comme un seul pays"(1). Sans une telle solution spirituelle, tout autre mesure ne peut être qu'un palliatif provisoire; une fois que les problèmes spirituels seront résolus, les autres difficultés du monde tendront vers des solutions pratiques.
La conception bahá'íe du monde
Une évaluation scientifique du problème de la conservation de la nature s'accorde facilement avec la conception du monde exprimée dans les écrits de Bahá'u'lláh (1817-1892), le prophète fondateur de la foi bahá'íe, et dans ceux de son fils, 'Abdu'l-Bahá (1844-1921), écrits qui reflètent l'harmonie fondamentale entre la science et la religion.
Les origines de l'univers sont décrites dans des termes qui correspondent bien aux théories scientifiques actuelles, bien que ces écrits datent d'avant le développement des terminologies physiques et chimiques modernes. "Ce monde de l'existence, cet univers infini, n'a ni commencement ni fin"(2). "Ce qui a existé, avait existé avant, mais pas sous la forme visible maintenant. Le monde de l'existence survint de la chaleur produite par l'interaction entre la force active et ce qui est son bénéficiaire"(3). "Il se peut qu'une des parties de l'univers, une des planètes, par exemple, naisse ou se désagrège, mais les autres planètes infinies continuent d'exister. L'univers ne serait pas déréglé ou détruit; au contraire, l'existence est éternelle et perpétuelle"(4).
"A l'origine, la matière était une, et cette matière apparut sous différents aspects dans chaque élément; ainsi furent produites les formes variées, et ces aspects variés, une fois produits, devinrent permanents, et chaque élément se spécialisa... Alors ces éléments se combinèrent, s'arrangèrent et se mélangèrent dans des formes infinies... De la composition et de la combinaison des éléments, de leur décomposition, de leur mesure, et de leur effet les uns sur les autres, résultèrent des formes, des réalités à l'infini et des êtres innombrables"(5). "Ce globe terrestre ayant pris naissance, il grandit et se développa au sein de l'univers, parvint à des formes et conditions variées jusqu'à atteindre son degré actuel de perfection, être orné de créatures innombrables et apparaître comme une organisation parfaite"(6).
On considère que la nature obéit à des lois scientifiques qui sont elles-mêmes l'expression d'une réalité divine. "La nature est la volonté de Dieu et son expression dans et à travers tout le monde de l'existence"(7). "Cette nature est soumise à une organisation absolue, à des lois déterminées, à un ordre complet, et à un plan parfait dont elle ne s'écarte jamais. A tel point que, pour qui examine d'un regard minutieux et d'un oeil acéré, depuis le plus petit atome existant jusqu'aux plus grands corps de l'univers, comme le globe solaire ou les autres astres et corps lumineux, tout, que ce soit au point de vue de l'arrangement ou de la composition ou que ce soit sous le rapport de la forme ou du mouvement, est absolument organisé; et tout est sous l'empire d'une loi universelle, dont il n'y a pas moyen de s'écarter"(8).
"Par nature on entend les propriétés inhérentes et les relations nécessaires dérivant des réalités des choses. Et ces réalités des choses, bien qu'extrêmement diverses, sont cependant intimement reliées"(9).
"Si nous regardons d'un oeil qui voit le monde de la création, nous découvrons que toutes les choses existantes peuvent être classifiées comme suit: premièrement - le règne minéral - c'est-à-dire la matière ou la substance qui apparaissent sous des formes de composition variées. Deuxièmement - le règne végétal - qui possède les vertus du règne minéral plus le pouvoir d'augmentation ou de croissance, montrant un degré plus élevé et plus élaboré que le règne minéral. Troisièmement - le règne animal - qui possède les attributs du règne minéral et du règne végétal plus le pouvoir de perception par les sens. Quatrièmement - le règne humain - l'organisme le mieux élaboré de la création visible, comprenant les qualités des règnes minéral, végétal et animal plus un don idéal absolument absent dans les règnes inférieurs - le pouvoir de la recherche intellectuelle dans les mystères des phénomènes extérieurs. Le résultat de ce don intellectuel est la science qui est la caractéristique particulière de l'homme. Ce pouvoir scientifique permet d'examiner et de comprendre les objets créés et les lois qui les entourent. C'est lui qui découvre les secrets cachés et mystérieux de l'univers matériel, et il est propre à l'homme seul. Le mérite le plus noble et le plus louable de l'homme est donc le savoir et la connaissance scientifiques"(10).
Les écrits bahá'ís acceptent les preuves scientifiques appuyant la théorie de l'évolution. Cependant ils font la distinction entre le potentiel de tous les types de créatures, d'une part, potentiel inhérent à la matière et aux lois de la création et qui donc a toujours existé, et d'autre part le processus par lequel ce potentiel est révélé. "De même que l'homme, dans le sein de sa mère, a passé d'une forme à une autre, d'un état à un autre, a changé et évolué, et néanmoins, depuis le commencement de la période embryonnaire, a toujours appartenu à l'espèce humaine, de même, l'homme, depuis le commencement de l'existence dans le sein du monde, a appartenu à l'espèce supérieure, l'humanité, et il a passé peu à peu d'un état à un autre"(11). "De même, la croissance et le développement de tous les êtres se font par degrés; c'est la règle générale de Dieu et l'ordre de la nature.... Toutes les créatures, grandes ou petites, ont été créées, dès le début, complètes et parfaites; seulement les perfections apparaissent en elles peu à peu. La loi de Dieu est une, l'évolution de l'existence est une, l'ordre divin est un"(12). "Tous ces êtres innombrables qui peuplent le monde, l'homme, l'animal, le végétal, le minéral, quels qu'ils soient, sont chacun des composés d'éléments; et il n'y a pas de doute que cette perfection de tous les êtres provient de ce que Dieu les a créés par une combinaison d'éléments mélangés en proportions déterminées, de la nature de leur constitution ainsi que de l'interaction des autres êtres. Par conséquent, tous les êtres sont liés les uns aux autres comme des anneaux d'une chaîne; et cette assistance, cette influence réciproque sont de l'essence des choses: elles produisent l'existence, la croissance et le développement des créatures"(13).
Les concepts de processus écologiques fondamentaux et de systèmes vitaux (life support systems) apparaissent également dans les écrits saints bahá'ís. "Considère, par exemple, comment un groupe de créatures constitue le règne végétal et un autre le règne animal. Chacun de ces deux groupes utilise certains éléments de l'air dont sa propre vie dépend, tout en augmentant la quantité de ces éléments qui sont indispensables pour la vie de l'autre. En d'autres mots, la croissance et le développement du monde végétal sont impossibles sans l'existence du régne animal, et le mantien de la vie animale est inconcevable sans la coopération du régne végétal. Ainsi sont semblables les relations qui existent entre toutes les créatures. D'où il résulte que la coopération et la réciprocité sont des propriétés essentielles inhérentes au système unifié du monde de l'existence et sans lesquelles la création tout entière serait réduite au néant"(14). "Dans le monde physique de la création, toutes les choses mangent et sont mangées à la fois: la plante s'abreuve au minéral, l'animal consomme la plante, l'homme se nourrit de l'animal et le minéral dévore le corps humain. Les corps physiques sont tranférés d'une étape à l'autre, d'une vie à une autre, et tout est soumis aux altérations et aux transformations, tout sauf la Cause de l'existence elle-même - car Il est constant et immuable, et c'est sur Lui que se fonde l'existence de chaque espèce, de chaque réalité contingente à travers la création tout entière"(15).
L'homme est considéré comme ayant une place spéciale dans le monde de la nature. "Comme les animaux, le corps humain est soumis aux lois de la nature. Mais l'homme est doté d'une deuxième réalité, la réalité rationnelle ou intellectuelle; et la réalité intellectuelle de l'homme prédomine la nature"(16). "...Dieu a doué l'homme d'une puissance si merveilleuse qu'il est capable de guider, maîtriser et contrôler la nature"(17). "Cependant, il y a dans l'homme une troisième réalité, la réalité spirituelle.... Cette réalité céleste... délivre l'homme du monde matériel. Par son pouvoir l'homme échappe au monde de la nature. Libéré, il trouvera une réalité qui illumine, transcendant la réalité limitée de l'homme et lui permettant d'atteindre l'infinité de Dieu, le soustrayant au monde des superstitions et des imaginations, et le plongeant dans l'océan des rayons du Soleil de Réalité"(18). L'homme "devrait être libre et émancipé de la captivité du monde de la nature car, tant que l'homme est prisonnier de la nature, il est un animal féroce, car la lutte pour l'existence est une des exigences du monde de la nature"(19).
Les extraits ci-dessus tirés des écrits bahá'ís et dont aucun n'est plus récent que les premières années de ce siecle, illustrent la conception bahá'íe des origines du monde naturel et de la place qu'y occupe l'homme. Le thème sous-jacent des corrélations entre toutes choses fournit un fondement naturel aux intérêts et actions en matière de préservation de la nature. Le fait que l'homme puisse interférer et contrôler la nature lui donne également la responsabilité de la maîtriser avec sagesse. Cependant, les problèmes de préservation de la nature ne proviennent pas d'un manque de compréhension scientifique, ils résultent en grande partie de problèmes sociaux ou structuraux de la société actuelle. La foi bahá'íe offre des perspectives sociales qui sont tout aussi importantes pour le problème de la protection de la nature.
Une civilisation en perpétuel progrès
La foi bahá'íe declare: "Tous les hommes ont été créés pour travailler à l'établissement et à l'amélioration croissante de la civilisation"(20). Cependant, la forme que prend ce progrès est sujette à discussion. A cette époque où la technologie a unifié physiquement tous les peuples du monde et où l'unité de la biosphère est reconnue, des mesures doivent être prises afin de réaliser une unité sociale et politique correspondante.
Les injustices qui maintiennent des extrêmes de richesse et de pauvreté et qui conduisent les pauvres à détruire leurs ressources doivent être éliminées par une "alliance d'éléments spirituels, moraux et pratiques"(21).
L'instruction universelle permettrait aux masses des peuples de comprendre et modifier leurs comportements. En même temps, la consommation immodérée de ressources par les riches doit être contrôlée.
Bahá'u'lláh mit en garde, il y a cent ans, contre les dangers pour la planète d'une civilisation trop matérielle. "La civilisation, tant vantée par les représentants les plus qualifiés des arts et des sciences, apportera de grands maux à l'humanité, si on lui laisse franchir les limites de la modération.... La civilisation, d'où découle tant de bien lorsqu'elle reste modérée, deviendra, si elle est portée à l'excès, une source aussi abondante de mal.... Le jour approche où elle dévorera de ses flammes toutes les cités du monde...."(22). Dans une allusion qui pourrait s'appliquer à l'énergie nucléaire, mais qui date de bien avant sa découverte, il écrivit: "Des choses étranges, extraordinaires, existent sur la terre, mais elles sont cachées à l'esprit et à la raison. Ces choses ont le pouvoir de changer l'atmosphère terrestre toute entière, et leur contamination serait mortelle"(23). Les problèmes de pollution d'aujourd'hui confirment ces mises en garde. Il est évident que la civilisation de l'avenir doit rechercher un équilibre plus modéré entre le développement matériel et les exigences du monde naturel.
Les changements nécessaires requièrent des modifications fondamentales dans la structure de la société humaine. "L'unité de la race humaine telle que la conçoit Bahá'u'lláh implique l'établissement d'une communauté universelle où toutes les nations, races, classes et croyances seront étroitement et définitivement unies, où l'autonomie des Etats-membres et la liberté personnelle, ainsi que l'initiative des individus seront définitivement et intégralement sauvegardées. Cette communauté, pour autant que nous puissions l'imaginer, comportera une législature universelle dont les membres, en tant que représentants de la race humaine, auront le contrôle suprême de toutes les ressources des nations qui la composeront, et édicteront les lois nécessaires pour régler la vie de tous les peuples et de toutes les races, pour répondre à leurs besoins et harmoniser leurs relations....
"Les ressources économiques du monde seront organisées, toutes les sources de matières premières seront exploitées à plein rendement, tous les marchés coordonnés et développés, et la distribution des produits équitablement réglée....
"Un système de fédération universelle qui régira la terre entière et exercera sur ses ressources, d'une ampleur inimaginable, une autorité à l'abri de toute discussion; un système qui incarnera tout ensemble l'idéal de l'Orient et de l'Occident, qui sera affranchi de la malédiction de la guerre et de ses misères, et qui tendra à l'exploitation de toutes les sources d'énergie disponibles à la surface de la planète; un système enfin dans lequel la force sera mise au service du droit et dont la vie sera soutenue par la reconnaissance universelle de Dieu et l'obéissance à une seule révélation, tel est le but vers lequel les forces unifiantes de la vie poussent l'humanité"(24).
Remarquez qu'un tel système contrôlerait toutes les ressources de toutes les nations, utiliserait au maximum les sources de matières premières et régulariserait la distribution des produits. Il viserait à exploiter les ressources inutilisées et insoupçonnées de même que toutes les sources d'énergie disponibles sur la surface de la planète. Il n'y a guère qu'un tel système qui puisse mettre en oeuvre de façon satisfaisante une stratégie mondiale pour la préservation de la nature.
Un développement durable serait essentiel pour une telle civilisation. Contrairement à la confiance presque exclusive placée aujourd'hui dans les prévisions à court terme, la vision de Bahá'u'lláh englobe la pose des fondations qui doivent durer mille ou des milliers années. L'économie d'une telle société devrait fonctionner sur une base tout à fait durable, utilisant des ressources renouvelables et recyclables et visant à une utilisation hautement efficace des ressources.
L'attitude bahá'íe vis-à-vis de la nature
Bien que pour les bahá'ís la nature ne soit pas une fin en soi à vénérer et à adorer, la création reflète les qualités et attributs de Dieu. "Si... tu considères l'intime essence de toutes choses, et l'individualité de chacune en particulier, tu contempleras les signes de la miséricorde de ton Seigneur dans chaque chose créée, et tu verras les rayons diffus de ses noms et attributs à travers le monde de l'existence... Tu observeras alors que l'univers est comme un manuscrit dont les intimes secrets, conservés dans la tablette bien gardée, sont mis au jour. Il n'est pas un atome parmi tous les atomes existants, pas une créature parmi les créatures qui ne célèbre ses louanges, ne clame ses attributs et ses noms, ne révèle la gloire de sa puissance et ne s'oriente vers son unicité et sa miséricorde....
"Chaque fois que tu contempleras la création tout entière et en observeras chaque atome, tu constateras que les rayons du Soleil de Vérité illuminent toutes choses et brillent à l'intérieur de chacune d'elles, célébrant les splendeurs de cette Etoile du matin, ses mystères et le rayonnement de ses lumières. Regarde les arbres, les fleurs et les fruits, et même les pierres. Là aussi, tu contempleras les rayons du soleil, clairement visibles en toutes ces choses, et qu'elles manifestent"(25).
La contemplation de la nature a donc une signification spirituelle pour les bahá'ís. En fait, l'environnement spirituel, l'environnement social et l'environnement physique de l'homme sont étroitement liés. "On ne peut pas séparer le coeur de l'homme de l'environnement qui l'entoure, et dire qu'une fois que l'un d'eux aura été changé, tout s'améliorera. L'homme est une partie organique du monde. Sa vie intérieure façonne l'environnement et est elle-même profondément influencée par lui. L'un agit sur l'autre, et chaque changement durable dans la vie de l'homme est le résultat de ces réactions mutuelles"(26).
La diversité génétique, qui est à la base de la richesse de la création vivante, est donc un reflet des qualités de Dieu. Les bahá'ís sont encouragés à apprécier une telle diversité, tant chez l'homme que dans le monde naturel. "Considérez le monde des créatures: quelle diversité et quelles variétés dans leurs espèces, bien qu'elles aient une même origine. Toutes les différences visibles sont celles des formes extérieures et des couleurs. Cette diversité dans les types se retrouve partout dans la nature.... Considérons... la beauté dans la diversité et l'harmonie, et tirons une leçon du monde végétal. Si vous regardez un jardin dont toutes les plantes présentent la même forme, la même couleur et le même parfum, loin de vous sembler beau, il vous paraîtra plutôt triste et monotone. Le jardin qui réjouit les yeux et le coeur est celui où poussent côte à côte des fleurs de toutes couleurs, de toutes formes et de tous parfums. C'est cet heureux contraste de couleurs qui en fait le charme et la beauté. Il en est de même pour les arbres. Un verger rempli d'arbres fruitiers est un lieu de délices, de même qu'une plantation d'arbustes de toutes sortes. C'est précisément la diversité et la variété qui en font l'attrait: chaque fleur, chaque arbre, chaque fruit, outre sa beauté particulière, fait ressortir les qualités des autres et souligne la grâce spéciale de chacun et de tous"(27).
Le respect envers le monde naturel et la modération dans l'utilisation de ses ressources sont aussi reflétés dans l'interdiction bahá'íe de la cruauté envers les animaux et dans la mise en garde contre la chasse pratiquée à l'excès. "En résumé, ce n'est pas seulement leurs semblables que les bien-aimés de Dieu doivent traiter avec miséricorde et compassion; leur bienveillance doit se manifester à l'égard de chaque créature vivante.... Les sentiments sont identiques - que vous infligiez une douleur à un homme ou à une bête.
"Formez vos enfants, dès le plus jeune âge, à se montrer tendres et aimants envers les animaux. Si un animal tombe malade, que les enfants s'efforcent de le guérir; s'il a faim, qu'ils lui donnent à manger; s'il a soif, qu'ils le désaltèrent et, s'il est épuisé, qu'ils veillent à lui procurer du repos"(28).
'Abdu'l-Bahá racconta de son père pendant son emprisonnement: "Bahá'u'lláh aimait la beauté et la verdure des campagnes. Un jour il fit cette remarque: 'Je n'ai vu aucune verdure depuis neuf ans. La campagne est le monde de l'âme, la ville est le monde des corps'"(29). Dès que Bahá'u'lláh fut libre de quitter le prison, il dressa souvent sa tente parmi les arbres sur le flanc de Mont Carmel.
Dans beaucoup de religions, y compris la foi bahá'íe, les fondateurs ou les dirigeants se sont retirés dans le désert pour méditer et se recueillir avant d'assumer le fardeau de leur message ou en vue d'un renouveau spirituel. Bahá'u'lláh passa deux ans dans les montagnes, où "les oiseaux du ciel étaient mes compagnons et les bêtes des champs mes amies"(30). Et Shoghi Effendi, feu le Gardien de la foi bahá'íe, trouva quelque soulagement du poids de ses responsabilités dans les Alpes suisses (31).
Dans leur approche de la nature, les bahá'ís sont donc conscients de la relation intime qui les unit au monde naturel ainsi que de l'importance de toutes les ressources mondiales pour la civilisation qu'ils construisent. Ils ont devant eux l'exemple de leurs dirigeants qui leur montrèrent la valeur spirituelle et esthétique du désert, de la campagne et de la diversité de la vie naturelle.
Stratégie mondiale pour la préservation de la nature
Les buts de la stratégie mondiale pour la préservation de la nature, qui sont de maintenir les processus écologiques fondamentaux et les systèmes vitaux, de préserver la diversité génétique et d'assurer l'utilisation entretenue des espèces et des écosystèmes en tant que base d'un développement entretenu, sont en parfait accord avec les enseignements de la foi bahá'íe. Mais comme il en va de beaucoup d'entreprises à l'échelle du globe dans le monde fragmenté d'aujourd'hui, la stratégie souffre d'un manque d'institutions universelles capables de la faire appliquer. Des actions au niveau national ne seront jamais plus qu'une solution partielle à des problèmes mondiaux. L'établissement d'une communauté mondiale prévue dans les écrits bahá'ís rendra enfin possible la gestion et la préservation des ressources de la biosphère à l'échelle planétaire.
En attendant, beaucoup de bahá'ís ont démontré depuis longtemps leur engagement personnel et même professionnel dans le domaine de la préservation et de la protection de l'environnement. Des communautés bahá'íes participent activement à des plantations d'arbres ou à d'autres activités du même genre et la Communauté Bahá'íe Internationale se joint à la célébration de divers événements du monde de l'environnement, tels ceux parrainés par les agences des Nations Unies.
Au moment où les communautés bahá'íes de par le monde prennent de plus en plus en charge leur développement social et économique, les principes du développement rural basés sur la préservation de la nature et décrits dans la Stratégie mondiale pour la conservation de la nature, soutiendront grandement leurs efforts. Une fois que les peuples auront été instruits de la nécessité d'une gestion sage de leurs ressources, ils seront à même, grâce à la consultation, de planifier et d'exécuter leurs propres activités de préservation de la nature.
Ainsi que cet exposé a tenté de le démontrer, les bahá'ís voient le problème de la conservation de la nature dans une dimension spirituelle autant que matérielle. "Chaque problème social peut être résolu à l'aide de principes spirituels ou de ce que certains appellent des valeurs humaines. De manière générale, tout groupe bien intentionné peut trouver des solutions pratiques à ses problèmes, mais bonnes intentions et connaissances pratiques ne suffisent généralement pas. Le mérite essentiel du principe spirituel consiste non seulement à présenter une perspective concordant avec l'élément immanent de la nature humaine, mais aussi à stimuler une attitude, une dynamique, une volonté, une aspiration qui permettent la découverte et la mise en oeuvre de mesures pratiques. Les chefs d'Etat et toutes les personnes au pouvoir pourraient trouver plus facilement des solutions aux problèmes s'ils s'efforçaient d'abord d'identifier les principes en cause et se laissaient ensuite guider par ces principes"(32). Quelques uns des principes spirituels propres à la préservation de la nature ont été décrits ci-dessus. La religion peut représenter une puissante motivation pour traduire ces principes en actions.
REFERENCES
1. La Maison Universelle de Justice, La Promesse de la
Paix Mondiale, Haifa, Centre Mondial Bahá'í, 1985.
2. 'Abdu'l-Bahá, Leçons de St. Jean d'Acre, p. 186.
3. Bahá'u'lláh, Tablets of Bahá'u'lláh, Haifa,
Bahá'í World Centre, 1978, p. 140.
4. 'Abdu'l-Bahá, Leçons de St. Jean d'Acre, p. 186.
5. Ibid. p. 187-188.
6. Ibid. p. 188-189.
7. Bahá'u'lláh, Tablets of Bahá'u'lláh, p. 142.
8. 'Abdu'l-Bahá, Leçons de St. Jean d'Acre, p. 11.
9. 'Abdu'l-Bahá, Bahá'í Revelation, p. 233.
10. 'Abdu'l-Bahá, Les Bases de l'Unité du Monde,
p. 67.
11. 'Abdu'l-Bahá, Leçons de St. Jean d'Acre, p.
200.
12. Ibid, p. 205.
13. Ibid, p. 184-185.
14. 'Abdu'l-Bahá, in Compilation on Huququ'lláh, p. 14-15;
Compilation on Social and Economic Development, p. 12.
15. 'Abdu'l-Bahá, Sélection des Ecrits d''Abdu'l-Bahá,
Haifa, Centre Mondial Bahá'í, p. 156.
16. 'Abdu'l-Bahá, Les Bases de l'Unité du Monde,
p. 72.
17. 'Abdu'l-Bahá, Causeries d''Abdu'l-Bahá à Paris,
2e ed., Bruxelles, Maison d'Editions Bahá'íes, 1971. p.? 164.
18. 'Abdu'l-Bahá, Les Bases de l'Unité du Monde,
p. 72-73.
19. 'Abdu'l-Bahá, Sélection des Ecrits d''Abdu'l-Bahá,
p. 301.
20. Bahá'u'lláh, Extraits des Ecrits de Bahá'u'lláh,
CIX, p. 198.
21. Maison Universelle de Justice, La Promesse de la
Paix mondiale.
22. Bahá'u'lláh, Foi Mondiale Bahá'íe, p. 328-329.
23. Ibid. p. 328-329.
24. Shoghi Effendi, Vers l'Apogée de la Race Humaine,
p. 56-58; Programme Bahá'í de Paix, p. 10-12.
25. 'Abdu'l-Bahá, Sélection des Ecrits d''Abdu'l-Bahá,
p. 40-41.
26. Compilation on Social and Economic Development, p. 4.
27. 'Abdu'l-Bahá, Causeries d''Abdu'l-Bahá à Paris,
2e ed., p. 70-72.
28. 'Abdu'l-Bahá, Sélection des Ecrits d''Abdu'l-Bahá,
p. 158.
29. Esslemont, J. E., Bahá'u'lláh et l'Ere Nouvelle,
p. 47.
30. Shoghi Effendi, Dieu Passe Pres de Nous, p.
114.
31. Ruhiyyih Rabanni, La Perle Inestimable, p. 74.
32. Maison Universelle de Justice, Promesse de la Paix
mondiale, p. 16.
Forum International pour l'Environment - 18 April 1999