La Promesse de la Paix mondiale
Déclaration de la Maison Universelle de Justice
aux peuples du monde
octobre 1985
Aux peuples du monde,
La Grande Paix à laquelle ont aspiré profondément les gens de bonne volonté au fil des siècles, dont prophètes et poètes nous offrent la vision depuis d'innombrables générations et dont les livres saints de l'humanité ont toujours renfermé la promesse, se profile enfin à l'horizon mondial. Il est maintenant possible à chacun, pour la première fois dans l'histoire, de voir toute la planète et les innombrables peuples qui l'habitent, dans une perspective globale. La paix mondiale est non seulement possible mais inévitable. C'est la prochaine étape de l'évolution de cette planète, ce qu'un grand penseur a appelé «la planétisation de l'humanité».
Tous les habitants de la terre doivent décider s'ils parviendront à cette paix en empruntant un chemin pavé d'horreurs inconcevables nées de l'attachement tenace de l'humanité envers d'anciens modèles de comportement ou bien, en optant pour la paix dans une affirmation de volonté conjointe. En ce moment critique, alors que les problèmes très difficiles, affligeant tous les pays, sont devenus la préoccupation commune pour le sort de l'humanité entière, il serait inconsciemment irresponsable de ne point prendre les mesures requises pour enrayer la montée des nombreux conflits et troubles.
Certains signes favorables pointent dans cette direction : la croissance régulière de mesures d'organisation à l'échelle mondiale, commencée par la création de la Société des Nations au début du siècle, et poursuivie avec l'organisation des Nations Unies, qui réunit un nombre plus vaste de pays ; l'accession à l'indépen- dance, depuis la seconde guerre mondiale, de la plupart des pays de la terre, ce qui a marqué la fin du processus d'édification des nations, et la collaboration de ces nouvelles nations avec les pays plus anciens sur les questions d'intérêt mutuel ; la coopération plus étroite qui s'en est suivie entre des peuples et des groupes auparavant isolés et ennemis, dans le cadre de projets internationaux portant sur les sciences, l'éducation, le droit, l'économie et la culture ; la constitution, depuis quelques dizaines d'années, d'un nombre sans précédent d'organisations humanitaires internationales ; la dissémination de mouvements composés de femmes et de jeunes réclamant la fin des conflits armés et la multiplication spontanée de réseaux de plus en plus grands d'individus tentant de promouvoir la compréhension par des échanges personnels.
Les progrès scientifiques et technologiques marquant ce siècle singulièrement favorisé présagent une avance importante de l'évolution sociale de la planète et indiquent les moyens pour résoudre les problèmes de l'humanité dans leur aspect pratique. Ils fournissent effectivement les moyens d'organiser la vie complexe d'un monde uni. Des barrières n'en persistent pas moins. Les rapports entre les nations et les peuples sont troublés par des doutes, des idées fausses, des préjugés, des soupçons et la recherche d'intérêts égoïstes.
Un sens profond du devoir spirituel et moral nous pousse en ce moment opportun à partager avec vous les pensées intuitives et profondes qui furent déjà communiquées aux gouvernants mondiaux voici plus d'un siècle par Bahá'u'lláh, fondateur de la foi bahá'íe, dont nous sommes les dépositaires et les administrateurs.
Bahá'u'lláh s'exprima en ces termes : « Les vents du désespoir soufflent, hélas, de toutes les directions et les querelles qui divisent et affligent l'humanité s'enveniment chaque jour. Des signes de bouleversements et de chaos imminents peuvent maintenant être discernés dans la mesure où l'ordre établi donne des résultats lamentables ». Ce jugement prophétique a été confirmé maintes et maintes fois par l'expérience commune de l'humanité. L'ordre établi présente des défauts évidents quand on considère l'incapacité des états souverains composant les Nations Unies d'exorciser le spectre de la guerre, la menace d'écroulement de l'ordre économique international, l'extension de l'anarchie et du terrorisme et la souffrance intense que causent ces troubles et d'autres encore à une multitude croissante. Agressions et conflits en sont tellement venus à caractériser nos systèmes sociaux, économiques et religieux que ce comportement est perçu par un grand nombre de personnes comme étant intrinsèque à la nature humaine et, par conséquent, irrémédiable.
Ce point de vue a entraîné des contradictions paralysantes dans les affaires humaines. D'un côté, les peuples de toutes les nations déclarent qu'ils sont non seulement prêts, mais aussi décidés à vivre en paix et en harmonie et à mettre un terme à ces craintes terrifiantes qui tourmentent leurs vies quotidiennes. De l'autre, on accepte trop facilement la thèse selon laquelle les êtres humains sont irrémédiablement égoïstes et agressifs et, par conséquent, incapables de mettre en place un système social qui soit à la fois progressiste et pacifique, dynamique et harmonieux, un système donnant libre cours à la créativité et à l'initiative de l'individu, mais fondé sur une base de collaboration et de réciprocité.
Au fur et à mesure que la paix devient une nécessité impérieuse, cette contradiction fondamentale qui fait obstacle à sa réalisation nous force à réexaminer les hypothèses sur lesquelles repose cette conception courante d'un triste destin de l'humanité. Un examen dénué de passion révèle que cette conduite, loin de traduire la véritable nature de l'homme, représente une déformation de l'esprit humain. Ayant admis ce point, tous les peuples pourront mettre en oeuvre des forces sociales constructives qui, étant compatibles avec la nature humaine, favoriseront l'harmonie et la collaboration plutôt que la guerre et les conflits.
L'adoption d'une telle conduite ne revient pas à nier le passé de l'humanité mais plutôt à le comprendre. La foi bahá'íe voit la confusion actuelle du monde et la situation désastreuse des affaires humaines comme une phase normale d'un processus naturel menant inéluctablement à l'unification de la race humaine en un seul ordre social qui ne connaîtra d'autres frontières que la planète. La race humaine, en tant qu'unité organique distincte, est passée par des phases d'évolution qui rappellent les phases de bas âge et d'enfance de la vie des humains et elle se trouve maintenant dans la phase culminante de son adolescence troublée, à la veille de l'âge adulte tant attendu.
Il n'y a pas lieu de se désespérer parce que l'on admet en toute sincérité que les préjugés, la guerre et l'exploitation furent l'expression de phases immatures d'un vaste processus historique et que la race humaine connaît aujourd'hui les tumultes inévitables qui marquent son accession à une maturité collective. Cette reconnaissance constitue plutôt une condition élémentaire préalable à la tâche prodigieuse de construire un monde pacifique. Nous vous demandons instamment de considérer qu'une telle entreprise est possible, que les forces constructives nécessaires sont présentes et que les structures sociales unifiantes peuvent être mises en place.
En dépit des souffrances et des troubles que peuvent nous réserver les
quelques prochaines années, en dépit de l'aspect tragique que peuvent
revêtir les circonstances immédiates, la communauté bahá'íe estime que
l'humanité peut faire face à cette épreuve suprême en ayant confiance en
son dénouement. Loin de marquer la fin de la civilisation, les
bouleversements vers lesquels l'humanité est toujours plus rapidement
poussée permettront de libérer les «potentialités inhérentes à la
condition de l'homme» et révèleront «la pleine mesure de son destin sur la
terre, l'excellence innée de sa réalité».
I
Les dons qui distinguent la race humaine de toutes les autres formes de vie se retrouvent dans ce que l'on désigne comme l'esprit humain ; l'intelligence est sa qualité essentielle. Ces dons ont permis à l'humanité de construire des civilisations et de prospérer matériellement. Cependant, ces réalisations à elles seules n'ont jamais comblé l'esprit humain, dont la nature mystérieuse porte à la transcendance, incite à la recherche d'un royaume invisible, de la réalité fondamentale, de l'essence des essences qui échappe à la perception humaine et que l'on appelle Dieu. Les religions offertes à l'homme par une succession de personnes touchées par la ferveur spirituelle ont constitué le principal lien entre l'humanité et cette réalité fondamentale ; elles ont exalté et raffiné la capacité de l'homme à atteindre le succès spirituel tout en réalisant le progrès social.
Aucune tentative sérieuse de remise en ordre des affaires humaines et de réalisation de la paix mondiale ne peut ignorer la religion. La perception qu'en a l'homme et la manière dont il la pratique forment une grand part des matériaux de l'histoire. Un éminent historien a décrit la religion comme une «faculté de la nature humaine». Il est difficile de nier que la perversion de cette faculté a contribué, en grande partie, à la confusion qui règne dans la société et aux conflits touchant et divisant les individus. De la même manière, tout observateur impartial ne peut minimiser l'influence prépondérante exercée par la religion sur les expressions fondamentales de la civilisation. De plus, l'effet direct qu'elle exerce sur les lois et la moralité a amplement démontré qu'elle était indispensable à l'ordre social.
Assimilant la religion à une force sociale, Bahá'u'lláh s'exprima en ces termes : «La religion est le meilleur moyen de faire régner l'ordre dans le monde et de satisfaire, dans un cadre pacifique, tous ceux qui l'habitent». A propos de la disparition ou de la corruption de la religion, il écrivait : « Si la lampe de la religion faiblit, le chaos et la confusion prévaudront et les lumières de l'équité, de la justice, du calme et de la paix s'éteindront ». Dressant une liste de ces conséquences, les écrits bahá'ís soulignent que la « perversion de la nature humaine, la dégradation de sa conduite, la corruption et le dérèglement des institutions humaines se révèlent, dans de telles circonstances, sous leur aspect le plus sombre et le plus révoltant. La nature humaine est avilie, la confiance est ébranlée, la discipline se relâche, la voix de la conscience humaine est étouffée, la décence et la honte perdent toute signification, les concepts de devoir, de solidarité, de réciprocité et de loyauté sont faussés et le sentiment même de paix, de joie et d'espoir disparaît graduellement ».
Si l'humanité en est ainsi arrivée à un stade de conflits paralysants, elle doit en rechercher la cause en elle-même, en sa propre négligence et dans le fait qu'elle s'est fiée à des apparences trompeuses. C'est là qu'elle trouvera l'origine des malentendus et de la confusion créés au nom de la religion. Ceux qui se sont accrochés aveuglément et égoïstement à leurs orthodoxies particulières, qui ont imposé à leurs adeptes des interprétations erronées et contradictoires des déclarations des prophètes de Dieu, sont grandement responsables de cette confusion, qu'amplifient les barrières artificielles érigées entre la foi et la raison, la science et la religion. En effet, un examen impartial des véritables déclarations des fondateurs des grandes religions et des milieux sociaux dans lesquels ils durent remplir leur mission ne permet pas de soutenir les affirmations et les préjugés semant le trouble dans les communautés religieuses de l'humanité et, par conséquent, dans toutes les affaires humaines.
L'enseignement selon lequel nous devrions traiter les autres comme nous aimerions être traités, qui se retrouve sous des formes diverses dans toutes les grandes religions, vient renforcer cette dernière observation à deux égards : il résume l'attitude morale, l'aspect de recherche de la paix qui existe dans ces religions, quelles que soient leurs origines géographiques ou historiques ; il comporte également un aspect d'unité qui constitue leur vertu essentielle, une vertu que l'homme, dans sa perception incohérente de l'histoire, n'a pas su apprécier. Si l'humanité avait vu les Educateurs de son enfance collective tels qu'ils étaient en réalité, c'est-à-dire en agents d'un même processus de civilisation, elle aurait sans aucun doute tiré des bénéfices infiniment supérieurs des effets cumulatifs de leurs missions successives. Hélas! elle n'a pas su le faire.
Le regain de ferveur religieuse fanatique qui se produit dans de nombreux pays ne peut être vu comme autre chose qu'une dernière convulsion. La nature même de la violence et des troubles auxquels ce phénomène est associé témoigne de l'échec spirituel qu'il représente. De fait, l'une des caractéristiques les plus étranges et les plus tristes de la vague actuelle de fanatisme religieux est la force avec laquelle, dans chaque cas, il ébranle non seulement les valeurs spirituelles qui favorisent l'unité de la race humaine, mais aussi les victoires morales uniques remportées par la religion dont il se prétend précisément le défenseur.
Malgré le rôle essentiel de la religion dans l'histoire de l'humanité et le caractère dramatique du regain actuel de fanatisme religieux militant, la religion et les institutions religieuses sont depuis plusieurs dizaines d'années considérées, par un nombre croissant de personnes, comme n'ayant aucun rapport avec les principales préoccupations du monde moderne. Ces personnes ont substitué à la religion la recherche hédoniste de satisfactions matérielles ou bien des idéologies créées par l'homme et qui visent à délivrer la société des maux évidents qui la font gémir. Malheureusement, un trop grand nombre de ces idéologies, plutôt que d'adhérer au concept de l'unité de la race humaine et de promouvoir une plus grande harmonie entre les divers peuples, ont eu tendance à déifier l'Etat, à subordonner le reste de l'humanité à une nation, une race ou une classe, à tenter de supprimer toute discussion et tout échange d'idées ou à abandonner sans pitié des millions d'affamés au libre jeu d'un système de marché qui aggrave sans conteste la misère de la majorité de la race humaine, tout en permettant à d'infimes minorités de vivre dans une aisance que nos ancêtres ne pouvaient même pas imaginer.
Combien tragiques sont les résultats des croyances de substitution créées par ces sages selon le monde. L'histoire a rendu un verdict irréversible sur leur valeur, comme en atteste le désenchantement massif de populations entières auxquelles on a appris à prier devant leurs autels. Les fruits qu'ont produits ces doctrines, après de nombreuses années d'un exercice de plus en plus arbitraire du pouvoir par ceux qui s'en servent pour dominer les affaires humaines, sont les plaies sociales et économiques qui affligent toutes les régions du monde, alors que nous nous approchons de la fin du XXe siècle. Toutes ces calamités externes cachent des dommages spirituels sous-jacents qui se reflètent dans l'apathie dont souffre l'ensemble des peuples de tous les pays et dans l'absence d'espoir qui assèche les coeurs de millions de personnes dépourvues et angoissées.
Nous sommes arrivés au stade où ceux qui prêchent les dogmes du matérialisme, que ce soit de l'Est ou de l'Ouest, que ce soit du capitalisme ou du socialisme, doivent rendre compte de la direction spirituelle qu'ils ont prétendu exercer. Où est le «nouveau monde» annonce par ces idéologies ? Où est la paix internationale dont ils affirment promouvoir les idéaux ? Oû sont les percées dans de nouveaux domaines de réalisation culturelle produites par l'exaltation de telle race, nation ou classe ? Pourquoi la vaste majorité des peuples du monde s'enfonce-t-elle sans cesse plus profondément dans la famine et la misère alors que les arbitres actuels des affaires humaines disposent de richesses énormes que n'auraient pu concevoir ni les pharaons, ni les empereurs romains, ni même les puissances impérialistes du XIX siècle ?
C'est dans la glorification de la poursuite des intérêts matériels, qui est à la fois source et trame commune de toutes ces idéologies, que l'on retrouve les origines de la conception erronée selon laquelle les êtres humains sont irrémédiablement égoïstes et agressifs. Il s'agit là du terrain que l'on devra déblayer pour permettre la construction d'un monde nouveau qui conviendra à nos descendants.
L'histoire montre que les idéaux matérialistes n'ont pas su répondre aux besoins de l'humanité et ceci devrait nous amener à reconnaître en toute honnêteté que de nouveaux efforts doivent maintenant être entrepris pour résoudre les problèmes déchirants de la planète. Les conditions intolérables dans lesquelles vivent certains secteurs de la société traduisent l'échec de tous et chacun, et cet état de choses contribue davantage à provoquer qu'à atténuer la division des camps. Il est évident que des efforts conjoints doivent être entrepris de toute urgence pour remédier à ces problèmes. C'est d'abord et avant tout une question d'attitude. L'humanité continuera-t-elle à s'entêter dans le mauvais chemin, à s'accrocher à des concepts dépassés et à des hypothèses inapplicables ? Ou bien ses leaders iront-ils de l'avant et, faisant fi de leurs idéologies, décideront-ils de se consulter pour rechercher conjointement des solutions appropriées?
Ceux qui ont à coeur l'avenir de l'humanité feront bien de réfléchir à ce
conseil. « Si des idéaux longuement caressés et des institutions dont la
réputation n'est plus à faire, si certaines hypothèses sociales et
certaines formules religieuses ont cessé de promouvoir le bien-être de
l'ensemble de l'humanité, s'ils ne répondent plus aux besoins d'une
humanité en constante évolution alors, balayons-les et reléguons-les là
où vont les doctrines désuètes et oubliées. Pourquoi, dans un monde
soumis aux lois immuables du changement et de l'usure, seraient-ils à
l'abri de la dégradation qui doit forcément gagner toute institution
humaine ? Car les normes juridiques, les théories politiques et les
doctrines économiques sont uniquement destinées à protéger les intérêts
de l'humanité vue dans une perspective globale et l'humanité n'a pas à
être sacrifiée pour préserver l'intégrité d'une loi ou d'une doctrine
particulière ».
II
Le désarmement nucléaire, l'interdiction du recours aux gaz toxiques et aux armes bactériologiques ne supprimeront pas les causes fondamentales de la guerre. Sans vouloir nier l'importance évidente de ces mesures pratiques dans le cadre du processus de paix, elles sont en elles-mêmes trop superficielles pour exercer une influence durable. Les peuples sont assez ingénieux pour inventer d'autres formes de guerre et pour utiliser la nourriture, les matières premières, l'argent, la puissance industrielle, l'idéologie et le terrorisme pour tenter de s'asservir les uns les autres dans leur recherche interminable de suprématie et de pouvoir. De même, la désorganisation massive qui afflige actuellement les affaires de l'humanité ne pourra pas être résolue en mettant fin à des conflits ou désaccords spécifiques entre les nations. Il faut adopter un cadre universel authentique.
On ne peut certainement pas accuser les leaders nationaux d'ignorer l'ampleur mondiale du problème qui se manifeste dans les questions toujours plus pressantes auxquelles ils font face quotidiennement. Et les études et solutions avancées par des groupes concernés et éclairés ainsi que par des organismes des Nations Unies sont trop nombreuses pour que l'on puisse ignorer les défis. On assiste cependant à une paralysie de la volonté, et c'est là le phénomène qu'il faut minutieusement étudier afin d'y apporter une solution ferme. Comme nous l'avons mentionné auparavant, cette paralysie procède d'une croyance profonde en la nature inéluctablement batailleuse de la race humaine ; ceci explique pourquoi on répugne à considérer la possibilité d'assujettir les intérêts nationaux aux exigences d'un ordre mondial et pourquoi on refuse d'envisager courageusement les vastes ramifications de l'établissement d'une autorité mondiale unifiée. Cette paralysie est également attribuable à l'incapacité des masses, en grande partie ignorantes et soumises, d'exprimer clairement leur désir d'un nouvel ordre dans lequel elles pourraient vivre en paix, en harmonie et en prospérité avec toute l'humanité.
Les mesures timides prises, surtout depuis la dernière guerre mondiale, en vue de l'instauration d'un ordre mondial, donnent lieu d'espérer. La tendance croissante de groupes de pays désireux de donner à leurs rapports un cadre formel leur permettant de collaborer sur des questions d'intérêt mutuel, permet de penser qu'un jour ou l'autre tous les pays finiront par surmonter cette paralysie. L'Association des nations de l'Asie du Sud-Est, la Communauté et le Marché commun des Caraïbes, le Marché commun d'Amérique centrale, le Conseil d'assistance économique mutuelle, les Communautés européennes, la Ligue des pays arabes, l'Organisation de l'unité africaine, l'Organisation des états américains, le Forum du Pacifique sud - toutes les initiatives conjointes représentées par ces organisations ouvrent la porte à l'ordre mondial.
Le fait que certains des problèmes les plus enracinés de la planète font l'objet d'une attention plus grande constitue un autre signe d'espoir. En dépit des lacunes évidentes des Nations Unies, la quantité de déclarations et de conventions adoptées par cette organisation, même lorsque les gouvernements ne lui ont pas donné un appui chaleureux, a donné aux populations le sentiment d'un regain de vie. La déclaration universelle des droits de l'homme, la convention sur la prévention et la punition du crime de génocide et les mesures de nature semblable ayant pour but d'éliminer toutes les formes de discrimination basées sur la race, le sexe ou la croyance religieuse ; la défense des droits de l'enfant ; la protection de toutes les personnes contre la torture ; l'élimination de la faim et de la malnutrition ; l'utilisation des découvertes scientifiques et technologiques dans le but de promouvoir la paix et le bien-être de l'humanité - toutes ces mesures, si elles sont mises en application et développées courageusement, nous permettront d'atteindre plus rapidement une ère où le spectre de la guerre cessera de pouvoir dominer les relations internationales. Point n'est besoin d'insister sur l'importance des questions couvertes par ces déclarations et conventions. Cependant, certaines questions, en raison de leur rapport direct avec l'instauration de la paix mondiale, méritent une plus ample élaboration.
Le racisme, l'un des fléaux les plus néfastes et les plus persistants, représente l'un des principaux obstacles à la paix. Sa pratique constitue une violation si scandaleuse de la dignité de l'être humain qu'elle ne peut être justifiée sous aucun prétexte. Le racisme retarde le développement du potentiel illimité de ses victimes, corrompt ceux qui le pratiquent et ruine les espoirs de progrès humain. L'unité de la race humaine doit être reconnue universellement et mise en oeuvre par des mesures juridiques appropriées si l'on veut surmonter ce problème.
Le gouffre qui sépare les riches des pauvres, source de grandes souffrances, maintient le monde dans un état d'instabilité, pratiquement au seuil de la guerre. Peu de sociétés ont su apporter une solution efficace à cette situation. La solution requiert l'alliance d'éléments spirituels, moraux et pratiques. Il faut envisager le problème dans une perspective nouvelle, consulter des experts couvrant une vaste gamme de disciplines, à l'abri des polémiques économiques et idéologiques, et s'assurer le concours de gens qui sont directement concernés par les décisions devant être prises d'urgence. Cette question est liée non seulement à la nécessité d'éliminer les extrêmes de richesse et de pauvreté, mais aussi aux vérités spirituelles dont la compréhension pourra donner naissance à une attitude universelle nouvelle. L'encouragement et le développement d'une telle attitude représentent en eux-mêmes un élément-clé de la solution.
Le nationalisme effréné, par opposition à un patriotisme sain et légitime, doit faire place à une loyauté plus vaste, à l'amour de l'humanité dans son ensemble. Comme le dit Bahá'u'lláh : « La terre n'est qu'un pays dont tous les hommes sont les citoyens ». Le concept de citoyenneté mondiale est le produit direct de la contraction du monde en un seul village à la suite des découvertes scientifiques, et de interdépendance indéniable des nations. On peut aimer tous les peuples du monde tout en aimant son propre pays. Dans une société mondiale, les intérêts de chaque partie concordent avec les intérêts du tout. Il importe de stimuler les activités internationales actuelles qui favorisent, dans divers domaines, l'affection mutuelle et le sens de la solidarité entre les peuples.
Tout au long de l'histoire, les rivalités religieuses ont été cause d'innombrables guerres et conflits et ont constitué un des principaux obstacles au progrès. Elles font de plus en plus horreur aux gens de toutes les croyances ainsi qu'aux incroyants. Les adeptes de toutes les religions doivent être disposés à affronter les questions fondamentales soulevées par ces conflits et à formuler des réponses nettes. Comment les différends qui les opposent seront-ils résolus, tant en théorie qu'en pratique ? Le défi auquel font face les leaders religieux de l'humanité consiste à se pencher, le coeur plein de compassion et animés d'un désir de vérité, sur le triste sort de l'humanité et de se demander s'ils ne peuvent, en toute humilité devant leur Créateur tout puissant, enterrer leurs désaccords théologiques au nom d'un grand esprit d'indulgence mutuelle qui leur permettra d'oeuvrer conjointement au progrès de la compréhension humaine et de la paix.
L'émancipation de la femme, c'est-à-dire la complète égalité entre les sexes, est l'une des conditions essentielles à l'avènement de la paix. Pourtant, son importance reste méconnue. Le refus de cette égalité constitue une injustice à l'égard de la moitié de la population mondiale et encourage chez les hommes des attitudes et des habitudes préjudiciables qui se propagent de la famille au lieu de travail, à la vie politique et, en fin de compte, aux relations internationales. Ce refus ne peut se justifier selon aucun critère moral ou biologique, ni sur le plan pratique. C'est seulement lorsque les femmes auront accès, en tant qu'associées à part entière, à tous les domaines de l'activité humaine, qu'il sera possible de créer un climat moral et psychologique propice à la paix internationale.
La cause de l'éducation universelle, qui s'est déjà assurée le concours d'une armée de gens dévoués de toutes croyances et de toutes nations, mérite tout le soutien que les gouvernements du monde peuvent lui donner. En effet, l'ignorance est sans conteste la principale raison du déclin et de la chute des peuples, ainsi que de la persistance des préjugés. Aucun pays ne peut connaître la réussite si tous ces citoyens n'ont pas accès à l'enseignement. Le manque de ressources limite la capacité de nombreux pays à répondre à ce besoin et les oblige à dresser une liste de priorités. Les organismes responsables de ces décisions devraient songer à donner la priorité à l'éducation des femmes et des jeunes filles, car des mères instruites représentent le moyen le plus efficace et le plus rapide de propager les connaissances au sein de la société. Conformément aux exigences de notre époque, il serait également opportun de songer à intégrer le concept de citoyenneté mondiale dans le cadre de l'éducation que reçoit normalement chaque enfant.
Un manque fondamental de communication entre les peuples compromet sérieusement les efforts entrepris pour réaliser la paix mondiale. L'adoption d'une langue auxiliaire internationale constituerait un grand pas dans cette direction et on devrait s'attaquer à cette tâche de toute urgence.
Deux points méritent d'être soulignés à propos de toutes ces questions. Premièrement, l'abolition de la guerre va bien au-delà de la signature de traités et de protocoles ; c'est une tâche complexe exigeant un engagement sans précédent à résoudre des questions qui ne sont habituellement pas reliées à la quête de la paix. Une sécurité collective qui ne reposerait que sur des ententes politiques serait purement illusoire. Deuxièmement, le plus grand défi auquel nous faisons face en traitant des questions de paix consiste à sortir d'une démarche purement pragmatique pour élever le débat au niveau des principes. En effet, la paix découle essentiellement d'un état d'âme reposant sur une attitude morale ou spirituelle et c'est principaIement en évoquant cette attitude que l'on pourra parvenir à des solutions durables.
Chaque problème social peut être résolu à l'aide de principes spirituels
ou de ce que certains appellent des valeurs humaines. De manière générale,
tout groupe bien intentionné peut trouver des solutions pratiques à ses
problèmes, mais bonnes intentions et connaissances pratiques ne suffisent
généralement pas. Le mérite essentiel du principe spirituel consiste non
seulement à présenter une perspective concordant avec l'élément immanent
de la nature humaine, mais aussi à stimuler une attitude, une dynamique,
une volonté, une aspiration qui permettent la découverte et la mise en
oeuvre de mesures pratiques. Les chefs d'état et toutes les personnes au
pouvoir pourraient trouver plus facilement des solutions aux problèmes
s'ils s'efforçaient d'abord d'identifier les principes en cause et se
laissaient ensuite guider par ces principes.
III
La principale question à résoudre se pose comme suit : comment le monde actuel, enraciné dans un schème de conflits, peut-il se transformer en un monde où règnent l'harmonie et la collaboration?
L'ordre mondial ne peut se fonder que sur la conscience inébranlable de l'unité de la race humaine, une vérité spirituelle que confirment toutes les sciences humaines. L'anthropologie, la physiologie et la psychologie ne reconnaissent qu'une espèce humaine, même si celle-ci est infiniment variée en ce qui concerne les aspects secondaires de la vie. La reconnaissance de cette vérité est subordonnée à l'abandon de tout préjugé de race, de classe, de couleur, de croyance, de nation, de sexe, de degré de civilisation matérielle, autrement dit, de tout ce qui permet aux gens de se considérer comme supérieurs aux autres.
L'acceptation de l'unité de la race humaine est la condition fondamentale de la réorganisation et de l'administration du monde considéré comme un seul pays, le foyer de l'humanité. Toute tentative d'instauration de la paix mondiale ne peut être couronnée de succès que si ce principe spirituel est universellement accepté. Il devrait donc être proclamé universellement, enseigné dans les écoles et affirmé constamment dans chaque pays pour préparer le terrain au changement organique de structure de la société qu'il implique.
Dans la conception baha'ie, la reconnaissance de l'unité de la race humaine « n'exige rien de moins que la reconstruction et la démilitarisation de tout le monde civilisé ; elle fait appel à un monde unifié organiquement sous tous les aspects essentiels de sa vie, de ses mécanismes politiques, de ses aspirations spirituelles, de son commerce et de sa finance, de son écriture et de son langage, tout en étant infiniment diversifié dans les particularités nationales de ses unités fédérées ».
Se penchant sur les implications de cette notion cardinale, Shoghi Effendi, le Gardien de la foi bahá'íe s'exprima en ces termes en 1931 : « Loin de viser à détruire les fondations existantes de la société, elle cherche à en élargir la base, à transformer ses institutions pour les rendre compatibles avec les besoins d'un monde en constante évolution. Elle ne peut entrer en conflit avec aucune allégeance légitime de même qu'elle ne peut ébranler les loyautés essentielles. Son objet n'est point d'étouffer dans le coeur humain l'ardeur d'un patriotisme sain et intelligent, ni d'abolir le régime de l'autonomie nationale, indispensable si l'on veut éviter les maux d'une centralisation excessive. Elle n'ignore ni ne tente de supprimer la diversité d'origines ethniques, de climats, d'histoires, de langues et de traditions, de pensée et de coutumes qui distinguent les nations et les peuples du monde. Elle fait appel à une loyauté plus vaste et une aspiration plus élevée que celles qui aient jamais animé la race humaine. Elle insiste sur la nécessité de subordonner les impulsions et les intérêts nationaux aux besoins impérieux d'un monde unifié. Elle répudie toute centralisation excessive, d'une part, et repousse toute tentative d'uniformité, de l'autre. Son mot d'ordre est l'unité dans la diversité ».
Ces objectifs ne peuvent être atteints qu'après plusieurs étapes de transformation des attitudes politiques nationales, qui frisent actuellement l'anarchie du fait de l'absence de lois clairement définies, ou de principes acceptés et applicables à l'échelle mondiale, régissant les rapports entre les nations. La Société des Nations, les Nations Unies et les nombreuses organisations et ententes auxquelles elles ont donné lieu ont sans aucun doute contribué à atténuer certains effets négatifs des conflits internationaux, mais elles se sont avérées incapables d'empêcher les guerres. De fait, il y a eu depuis la fin de la seconde guerre mondiale un grand nombre de conflits armés, dont beaucoup font encore rage.
Les aspects prédominants de ce problème avaient déjà fait leur apparition au dix-neuvième siècle, lorsque Bahá'u'lláh formula pour la première fois ses propositions visant l'instauration de la paix mondiale. Il proposa le principe de la sécurité collective dans des déclarations destinées aux gouvernants du monde. Shoghi Effendi en commenta la signification : « Quel autre sens pourraient avoir ces paroles solennelles si ce n'est l'inévitable limitation de la souveraineté nationale absolue comme condition sine qua non de la formation de la future fédération de toutes les nations du monde ? Une formule de super-État mondial devra nécessairement être élaborée. Super-État en faveur duquel toutes les nations du globe devront abandonner de plein gré toute prétention à faire la guerre, certains droits de lever des impôts et tous droits de maintenir des armements autres que ceux requis pour la sauvegarde de l'ordre à l'intérieur de leurs souverainetés respectives. Un tel État devra comprendre un pouvoir exécutif international capable d'imposer son autorité suprême et incontestable à tout membre récalcitrant de la fédération, un parlement mondial dont les membres seront élus par la population des pays respectifs avec ratification de cette élection par leur gouvernement; un tribunal suprême dont les décisions auront un effet obligatoire, même dans les cas oû les parties impliquées n'auraient pas volontairement consenti à sa juridiction. »
« Une communauté mondiale dans laquelle toutes les barrières économiques auront été supprimées à tout jamais et l'interdépendance du capital et du travail reconnue formellement ; dans laquelle la clameur des rivalités et du fanatisme religieux se sera apaisée pour toujours ; dans laquelle la flamme de l'animosé raciale aura été radicalement éteinte ; dans laquelle un seul code de droit international - issu du jugement réfléchi des représentants fédérés du monde - sera sanctionné par l'intervention immédiate et coercitive des forces conjuguées des unités fédérées ; et, finalement, une communauté universelle dans laquelle la violence d'un nationalisme capricieux et militant aura été convertie en une conscience permanente de la citoyenneté mondiale. C'est ainsi, en vérité, que se présente, dans ses grandes lignes, l'Ordre mondial prévu par Bahá'u'lláh, un Ordre qui sera un jour considéré comme le plus beau fruit d'un âge mûrissant lentement. »
Bahá'u'lláh préconisa la mise en oeuvre de ces mesures de grande portée : « Le temps doit venir où sera universellement ressentie l'impérieuse nécessité d'une vaste assemblée représentant le monde entier. Les rois et dirigeants de la terre devront y assister, prendre part à ses délibérations et étudier les moyens et instruments qui permettront d'instaurer la grande paix entre les hommes. »
Le courage, la détermination, la motivation désintéressée, l'amour altruiste d'un peuple pour un autre - toutes les valeurs spirituelles et morales nécessaires pour faire ce pas capital en direction de la paix reposent sur la volonté d'agir. Et c'est dans le but de stimuler la volonté nécessaire qu'il importe de songer sérieusement à la réalité de l'homme, c'est-à-dire à sa pensée. Comprendre la pertinence de cette réalité puissante, c'est aussi se rendre compte de la nécessité sociale de réaliser sa valeur unique au moyen de consultations franches, impartiales et cordiales et de mettre en application les résultats de ce processus. Bahá'u'lláh insistait sur les vertus et la nécessité de la consultation pour mettre de l'ordre dans les affaires humaines: «La consultation rehausse la conscience et transforme la conjecture en certitude. C'est une lumière éclatante qui, dans un monde sombre, guide et indique le chemin. Il y a et il y aura toujours pour chaque chose un degré de perfection et de maturité. La maturité du don de la compréhension se manifeste par la consultation». A elle seule, la tentative de réaliser la paix au moyen de l'action consultative qu'il proposa peut faire naître, entre les peuples de la terre, un esprit si salutaire qu'aucune puissance ne pourra résister au dénouement triomphal.
'Abdu'l-Bahá, fils de Bahá'u'lláh et interprète autorisé de son enseignement, nous fit part de la manière dont il concevait les procédures requises pour cette assemblée mondiale : « Ils doivent tenir une consultation générale sur la cause de la paix et tenter par tous les moyens en leur possession de mettre sur pied une union des nations du monde. Ils doivent conclure un traité ayant force de loi et rédiger un pacte dont les dispositions seront équitables, inviolables et précises. Ils doivent le proclamer à la face du monde et le faire ratifier par la race humaine tout entière. Cette entreprise suprême et noble - la véritable source de paix et de bien-être pour le monde entier - devra être tenue pour sacrée par tous les habitants de la terre. Toutes les forces de l'humanité doivent être mobilisées pour assurer la stabilité et la permanence de ce pacte suprême. Dans ce pacte universel, les limites et les frontières de chaque pays devront être délimitées clairement, les principes régissant les relations réciproques entre gouvernements, établis avec précision et tous les accords et engagements internationaux bien définis. De même, l'importance des armements de chaque État devra être strictement limitée car, si l'on permettait à une nation d'augmenter son potentiel de guerre et d'accroître ses forces militaires, cela rendrait les autres nations méfiantes. Le principe fondamental servant de base à ce pacte solennel devra être établi de manière à ce que, si quelque État que ce soit violait l'une de ses dispositions, tous les autres devraient agir pour le réduire à la soumission la plus totale, mieux encore, la race humaine dans son ensemble devrait faire tout ce qui est en son pouvoir pour abattre ce gouvernement. Si ce remède suprême était appliqué au corps malade du monde, il guérirait sûrement de ses maux et ne connaîtrait plus aucun danger. »
Cette importante assemblée aurait dû être convoquée depuis longtemps.
C'est avec toute la ferveur dont nous sommes capables que nous demandons aux dirigeants du monde entier de saisir ce moment opportun et de prendre des mesures irréversibles pour convoquer cette assemblée mondiale. Toutes les forces de l'histoire poussent la race humaine vers cet acte qui marquera à jamais l'aube de sa maturité tant attendue.
Les Nations Unies avec l'appui total de leurs membres, sauront-iles se mettre à la hauteur d'un événement si grandiose ?
Que tous, hommes et femmes, jeunes et enfants de tous les coins du monde
reconnaissent le mérite éternel de cet acte impérieux et proclament leur
assentiment ! Qu'il revienne à la présente génération d'inaugurer cette
phase glorieuse de l'évolution de la vie sociale de notre planète !
IV
L'optimisme que nous ressentons procède d'une vision qui se situe au-delà de la fin des guerres et de la création d'organismes de coopération internationale. La paix permanente entre les nations est une étape essentielle mais, comme l'affirmait Bahá'u'lláh, ne constitue pas le but fondamental du développement social de l'humanité. Au-delà de l'armistice initial qu'aura imposé au monde la crainte de l'holocauste nucléaire, au-delà de la paix politique conclue à regret par des nations rivales se méfiant les unes des autres, au-delà des accords pragmatiques de sécurité et de coexistence et des nombreuses expériences de collaboration que ces mesures rendront possibles se trouve le but ultime : l'unification de tous les peuples du monde en une famille universelle.
La discorde est un danger que les nations et les peuples de la terre ne peuvent plus endurer, les conséquences en sont si terribles qu'on ne veut point les envisager et si évidentes qu'elles ne nécessitent aucune démonstration. Bahá'u'lláh a affirmé à ce sujet il y a plus d'un siècle : «Le bien-être de l'humanité, sa paix èt sa sécurité ne pourront être obtenus si son unité n'est pas fermement établie». Observant que « l'humanité tout entière se lamente, se meurt du désir d'être unifiée et de mettre un terme à son long martyre », Shoghi Effendi poursuivit en ces termes : « L'unification du genre humain est la caractéristique du stade dont s'approche l'humanité. L'unité de la famille, de la tribu, de la cité-état et de la nation ont été successivement tentées et réalisées dans toute leur ampleur. L'unité du monde est maintenant le but vers lequel tend une humanité accablée. Le processus d'édification de la nation est complété. L'anarchie inhérente à la souverainté d'un Etat approche de son point culminant. Un monde qui se dirige vers la maturité doit renoncer à ce fétiche, il doit reconnaître l'unité et l'intégrité des relations humaines et mettre en place une fois pour toutes le mécanisme le plus apte à incarner ce principe fondamental de son existence ».
Tous les courants de changement contemporains soutiennent cette conception. A preuve les nombreux exemples déjà cités de signes s'orientant en direction de la paix mondiale et que l'on retrouve dans les mouvements et développements internationaux actuels. L'armée d'hommes et de femmes originaires de pratiquement chaque culture, race et nation de la terre et oeuvrant au sein des divers organismes des Nations Unies représente une «fonction publique» à l'échelle de la planète. Ses réalisations impressionnantes témoignent du degré de collaboration qu'il est possible d'atteindre même dans des circonstances décourageantes. Un besoin impérieux de réaliser l'unité, que l'on pourrait assimiler à un printemps spirituel, lutte désespérément pour s'exprimer à travers d'innombrables congrès internationaux réunissant des spécialistes des disciplines les plus variées. Il motive les appels lancés pour des projets internationaux impliquant des enfants et des jeunes. Il constitue effectivement la source même du mouvement remarquable vers l'oecuménisme qui semble attirer irrésistiblement l'un vers l'autre les membres de religions et sectes historiquement opposées. Tout comme la tendance à la guerre et au développement égoïste qui lui est opposé et contre laquelle elle lutte sans relâche, l'impulsion vers l'unité mondiale constitue l'un des traits dominants et envahissants de la vie de notre planète au cours des dernières années du vingtième siècle.
L'expérience de la communauté bahá'íe peut être un des exemples de cette unité grandissante. Cette communauté regroupe de trois à quatre millions de personnes originaires de nombreuses nations, cultures, classes et croyances et engagées dans une vaste gamme d'activités couvrant les besoins spirituels, sociaux et économiques des peuples de nombreux pays. Il s'agit d'un organisme social unique qui reflète la diversité de la famille humaine, mène ses activités sur la base de principes consultatifs admis par tous et vénère, sans marque de préférence, toutes les grandes manifestations de l'influence divine de l'histoire humaine. Son existence même prouve que la foi de son fondateur en un monde unifié n'était pas chimérique et confirme que l'humanité peut vivre comme une société mondiale et qu'elle peut relever les défis inhérents à son passage à la maturité. Si l'expérience bahá'íe peut contribuer de quelque manière que à ce soit à renforcer l'espoir en l'unité de la race humaine, nous sommes heureux de la soumettre à votre étude.
Conscients de l'importance suprême de la tâche que doit maintenant entreprendre le monde entier, nous nous inclinons humblement devant la majesté imposante du divin Créateur qui, dans son amour infini, a créé l'humanité entière de la même souche, a exalté la réalité précieuse de l'homme, lui a accordé les dons inestimables de l'intelligence et de la sagesse, de la noblesse et de l'immortalité, et lui a conféré « en privilège unique, par l'opération de sa volonté libre et souveraine, la capacité de le connaître et de l'aimer, le dotant ainsi d'une faculté dont l'exercice doit être considéré comme la raison d'être et le but fondamental de toute la création ».
Nous sommes fermement convaincus que tous les êtres humains ont été créés «pour promouvoir le progrès de la civilisation», qu' « agir comme le font les bêtes des champs est indigne de l'homme », et que les vertus propres à la dignité humaine sont la loyauté, l'indulgence, la pitié, la compassion et la bonté à l'égard de tous les peuples. Nous réaffirmons notre conviction que « les potentialités inhérentes à la condition de l'homme, la pleine mesure de son destin sur la terre et l'excellence innée de sa réalité, tout cela doit se manifester en ce jour promis de Dieu». Voilà ce qùi motive notre croyance inébranlable que l'unité et la paix sont des objectifs réalistes vers lesquels tend l'humanité.
Au moment où nous écrivons ces lignes, les voix pleines d'espoir des Bahá'ís retentissent en dépit des persécutions dont ils sont toujours victimes dans le pays où est née leur foi. En donnant l'exemple d'un espoir inébranlable, ils témoignent de la conviction que la réalisation imminente de ce vieux rêve de paix est maintenant, en vertu des effets métamorphosants de la révélation de Bahá'u'lláh, investi de la force du pouvoir divin. Notre message représente donc plus qu'une vision exprimée par des mots : nous faisons appel à la puissance évocatrice des actes de foi et de sacrifice ; nous vous communiquons l'appel angoissé à la paix et à l'unité de nos coreligionnaires du monde entier. Nous nous associons à tous ceux qui sont victimes d'agressions, à tous ceux qui aspirent à un monde sans conflit ni lutte, à tous ceux qui, par leur dévouement aux principes de la paix et de l'ordre mondial, se font les promoteurs des causes ennoblissantes pour lesquelles l'humanité fut créée par Dieu dans son amour infini.
Dans notre désir ardent de vous communiquer la ferveur de notre espoir et la profondeur de notre confiance, citons la promesse formelle de Bahá'u'lláh : « Ces luttes stériles, ces guerres ruineuses passeront et la Paix suprême viendra ».
LA MAISON UNIVERSELLE DE JUSTICE
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Dernière mise à jour le 10 octobre 2007